Dans l’épisode 1, nous avons abordé l’électricité, l’électromagnétisme et l’électronique. Aujourd’hui nous allons découvrir comment ces phénomènes physique et leur compréhension ont permis de faire des progrès significatifs dans le transport de l’information et la communication entre les humains
Nous remontrons un peu dans l’histoire, afin de contextualiser, car aucune science ou découverte n’est hors de l’histoire, pour arriver jusqu’au téléphone, moyen de communication phare de la révolution industrielle.

Comment les humains communiquent-ils ? Historiquement, c’est la parole qui nous a permis de communiquer, en étant côte à côte, ou parfois un peu loin, à la rigueur entre 2 montagne, mais guère plus. La véritable première révolution a été l’écriture, qu’on estime être apparue il y a environ 5500 ans. [1]
L’écriture a mis de nombreux siècles à se formaliser, servir au commerce, aux titres de propriété, puis à raconter des histoires du passé ou des histoires imaginaires, inventées. La principale difficulté de l’écriture était souvent le support (graver la pierre ça prend du temps, fabriquer un papyrus ça coute cher), et si on veut recopier un livre c’est long, c’est très long. Donc l’écriture s’est longtemps cantonnée à de petites proportions de la population : sachants, dirigeants, riches commerçants, moines.
Il faut attendre le XIe siècle en Chine, avec Bi Sheng, et le XVe siècle, en Suisse, avec Gutenberg, pour voir l’invention de l’imprimerie à caractère mobile arriver. Il devient alors possible non seulement d’imprimer en une fois plusieurs exemplaires d’un même livre, mais de les distribuer largement, et de reproduire et conserver la connaissance. Cela ne va pas sans quelques difficultés dans la société : dans le domaine religieux, l’imprimerie a été massivement utilisée par la réforme protestante, et dans le domaine du droit, la liberté d’expression met deux siècles à apparaître, avec en France la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui encadre encore aujourd’hui cette liberté.

Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire des liens entre la liberté d’expression et les communications, je vous invite à lire le livre de Felix Tréguer, L’utopie déchue : une contre-histoire d’Internet

L’influence de l’imprimerie sur le monde est certaine et énorme, notamment sur la diffusion de la connaissance avec des livres comme l’encyclopédie de Diderot et Dalembert.
Hélas, le livre malgré son avantage ne permettait pas de communiquer facilement à distance des informations périssables. Pour cela, le papier, la plume et les chevaux de poste avaient un rôle important dans la société, mais un courrier Paris-Bordeaux mettait 3 jours à être acheminé !

C’est au début du 19e siècle que l’on voit apparaîtres des moyens de communication en quasi temps réel à distance. Le télégraphe de Chappe, basé sur des bras articulés en bois, que l’on pouvait voir de loin en loin à l’aide d’une longue vue, permettait de communiquer plus rapidement qu’un cheval sur de longue distance. Entre 1800 et 1850, des postes de télégraphe de Chappe sont posés un peu partout en France, et permettent à l’État de centraliser les informations et de faire rapidement descendre les lois et les règlements.
Le système de Chappe nécessitait cependant des installations sous forme de maison ou petite tour tous les 10 à 20 km, situées si possible en hauteur, pour être vu à la lunette depuis les stations alentour, et elles marchaient mal en cas de mauvais temps.
Les messages envoyés étaient codés en remplaçant chaque mot par un nombre, dans un dictionnaire de 8400 mots, et les nombres ainsi obtenus étaient envoyés à l’aide des 92 positions possibles du télégraphe.
Les stations qui transmettaient les messages n’étaient donc pas capable d’en connaître le sens. C’est la première application industrielle d’un système de chiffrement des communications.
Autre nouveauté, le télégraphe de Chappe a subi le premier piratage de système de télécommunication documenté dans l’histoire : des frères bordelais on utilisé le système Chappe entre Paris et Bordeaux, pourtant réservé à l’État, pour connaître avant tout le monde des cours de bourse à Paris, après avoir soudoyé le directeur de la tour de transmission Chappe de la ville de Tours pour qu’il injecte des informations en plus dans certains messages.
Suite à cela, le télégraphe de Chappe s’est trouvé être aussi à l’origine de la première loi contre le piratage, qui déclarait que le télégraphe était un monopole d’État et en interdisait le détournement.

Donc Chappe, 1800-1850, première communication longue distance relativement rapide, de l’histoire

Dans la même période, c’est en 1840 que Samuel Morse, un américain, invente un système de communication à distance basé sur l’électricité (pas le premier, mais le plus simple, car le plus économique pour l’époque), et Morse transmet le premier message entre Washington et Baltimore, à 60km de là.

Ce système de transmission est basé sur l’électricité dans le sens où il transmet du courant ou pas de courant sur une paire de fils. On installait, par exemple entre 2 villes, une paire de fils isolés. À une extrémité, on met ce que l’on appelle une clé, un bouton à ressort qui permet de fermer le circuit (envoyer du courant) ou l’ouvrir (arrêter le courant)
A l’autre extrémité, on a un récepteur, une bande de papier avec un stylo relié à un électro-aimant, qui permet de descendre le stylo sur le papier quand il y a du courant et de le remonter quand il n’y en a pas.
Le principe utilisé se basait donc sur un électro-aimant qui utilise le principe physique de l’électromagnétisme que l’on a vu à l’épisode 1 :

Un électro-aimant, c’est une bobine de fil, dans laquelle on fait passer un courant, qui va créer un champ magnétique, et donc attirer un objet en fer. Si on arrête le courant, l’objet en fer n’est plus attiré.
Cette barre de fer pouvait donc appuyer ou soulever un crayon, qui dessinait des points ou des traits sur une bande de papier selon si on appuyait longtemps ou pas longtemps sur le bouton à l’autre bout.
L’assistant de Samuel Morse a, dans ce contexte, inventé un code où chaque lettre chiffre ou ponctuation était représenté par une série de traits et de points. C’est le fameux « Code Morse » !
L’un des avantages du système morse était qu’il ne nécessitait pas d’avoir des opérateurs tous les 10km comme avec le télégraphe de Chappe, ce qui baissait beaucoup son coût, mais aussi qu’il ne nécessitait pas la présence d’un opérateur dans la station de réception en permanence pour attendre les messages qui étaient imprimés et donc conservables et déplaçables facilement. Et il marchait tout le temps, même par mauvais temps. Enfin, il ne nécessitait que 2 fils, contrairement à d’autres systèmes de télégraphes électriques, qui en nécessitaient souvent beaucoup plus. (parfois jusqu’à un fil par lettre à encoder ! Ce qui était complètement inefficace)

Le télégraphe Morse s’est donc propagé très rapidement (par exemple avec la première ligne entre Paris et Rouen en 1845, donc 5 ans après son invention !), notamment grace à ces qualités et son côté très économique.
Des stations de télégraphes ont été installées un peu partout dans le monde reliées entre elles par des cables, dont le premier cable transatlantique sous-marin entre la grande bretagne et les états unis en 1860. Le télégraphe était utilisé tant par les états que les entreprises et les particuliers aisés pour tout type de message en clair, ou chiffré (mais les messages chiffrés étaient plus cher car plus dur à transmettre par les opérateurs morse habitués à transmettre des mots de la langue.)

On avait donc, dès 1870, des moyens un peu couteux mais fiable et efficace de communiquer d’un bout à l’autre du pays ou du monde.

Et c’est dans ces années là qu’un français, Courseul, puis un italien, Meucci, inventent chacun dans leur coin des systèmes ressemblant à des téléphones, mais ne poursuivent pas leurs idées. Et c’est en 1876, que Graham Bell, un américain, met au point un système électrique permettant de transmettre la voix à distance, le téléphone est né !

Le principe du téléphone de Bell était complexe : une bobine de fil dans laquelle circulait un aimant attaché à une membrane souple (au début faite en bois) transformait la vibration de l’air par le son de la voix en courant électrique à l’intérieur du fil. comme on l’a vu à l’épisode 1.
À l’autre bout, le principe inverse faisait office de haut-parleur, et permettait de retransformer le signal électrique en voix.

Le téléphone est donc la première application de l’électricité à une captation en temps réel de signal, signal qu’on appelle analogique car on mesure non pas comme avec morse un courant ou son absence (ce qu’on appelle un signal numérique, 1 ou 0, du courant ou pas de courant, tout ou rien) mais le téléphone mesurait les oscillations de l’air produit par la voix humaine donc quelque chose qui variait finement dans le temps. Le courant ainsi transporté variait lui aussi finement dans le même temps.

Evidemment le téléphone s’est développé très rapidement, et plus que le système Morse, notamment parce que l’on pouvait désormais équiper toutes les maisons bourgeoises et les entreprises. Pas besoin de connaître le code morse, pas besoin d’un opérateur formé à cet usage, tout le monde sait parler !

À partir de 1880, se développe donc le métier d’opérateur télécom, qui consiste à déployer des lignes de cuivre transportant les communications des personnes reliées à un réseau téléphonique. Entre les villes on trouvait des lignes permettant de parler entre ces villes, et au sein de la ville, des poteaux équipés de centaines de fils de cuivre permettaient de distribuer le téléphone à tous les foyers. Notez que le téléphone ne nécessitait pas de courant chez ses utilisateurs : le courant permettant de transmettre la voix était fourni par l’opérateur telephonique qui vous fournissait le service.
Techniquement, en dehors du fait de transmettre la voix sur une paire de fils de cuivre, il fallait que le réseau téléphonique choisisse quel téléphone devait être relié à quel autre pour mener à bien une conversation. Il fallait aiguiller les lignes entre elles. Pour cela, il y avait besoin d’un opérateur, ou plus précisément d’une opératrice, (car c’était un métier exclusivement féminin), Entre 1878 et jusque 1950 dans certains endroits, pour acheminer les appels d’un point à un autre, il fallait passer par un standard local, dans la ville ou la région, où une opératrice vous demandait qui vous vouliez joindre, soit dans la même zone, soit dans une autre zone, et cette personne brassait les fils de votre téléphone avec ceux de votre destinataire à l’aide d’une prise jack. Ce principe de mettre bout à bout votre circuit de téléphone et celui de votre destinataire, cela s’appelle la « commutation » et ca n’a été automatisé avec des machines qu’à partir des années 20 et en France typiquement à partir des années 40.

L’air de rien, la machine qui aiguille, qui « commute » automatiquement les appels, à l’aide d’un cadran téléphonique à chiffres chez vous, et d’une grosse machine dans votre quartier ou dans votre ville pour acheminer l’appel au bon endroit, c’est aussi une énorme invention, car cela permet d’automatiser entièrement le réseau téléphonique, et donc de le distribuer partout dans le pays. Sans cela, le cout du téléphone serait resté très élevé puisque nécessitant de nombreuses opératrices.

Dans toute innovation, dès le début de l’ère industrielle, on a non seulement de grandes inventions qui font faire des bons à l’humanité en terme de capacité de communication par exemple ici le téléphone, mais il y a aussi des enjeux de cout, et de capacité à automatiser les choses, et à les rendres facile à maintenir, avec une qualité suffisante, facile à construire en masse etc. en l’absence de tous ces facteurs, un système technique ne saurait avoir de succès et être distribué largement auprès du public.

Les enjeux des outils techniques ne sont pas qu’un enjeu d’innovation pure, visible à tous, mais aussi d’innovation dans la construction même des outils par rapport aux capacités technique de l’époque.

Dernière histoire intéressante du téléphone, le fonctionnement technique de base, qui transmet tel quel un signal analogique audio sur une paire de fils de cuivre, ne fonctionnait que sur de courtes distances. Et il fallu que l’humanité comprenne des concepts électroniques importants comme le rapport signal/bruit et l’impédance, pour que l’on puisse faire des appels sur de longues distances.
Le rapport signal-bruit, c’est la mesure dans un courant, de la partie « qui sert » (le signal, ici la c’est voix humaine) de la partie « bruit », donc les perturbations naturelles du champ électrique d’un cable trop fin, usé, trop long etc. Quand le rapport entre le signal est le bruit devient trop faible, on ne peut plus comprendre à l’autre bout, le message d’origine. Comme quand on essaye de se parler au loin au milieu d’une foule bruyante ! On va pas s’entendre.

Le deuxième facteur important à l’époque, c’était l’impédance. C’est quelque chose de plus compliqué techniquement, mais de manière simplifiée, c’est la façon dont un cable résiste au passage du courant quand le courant varie (ce qui est le cas avec la transmission de la voix). C’est comme la résistance du courant vu à l’épisode 1, mais dans le cas particulier du courant alternatif. En comprenant comment optimiser la transmission de la voix dans un cable ayant une impédance donnée, on a pu créer les premières télécommunications longue distance.

Pour terminer sur le téléphone, et au cas où, si vous avez moins de 30 ans, peut-être qu’on ne pense pas au même « téléphone ». Le téléphone inventé en 1876 n’est pas un smartphone. Les ordinateurs n’existent bien entendu pas à cette époque, et les téléphones des années 1920, quand le réseau téléphonique commençait à se répandre dans le monde, ressemblaient plutôt à ça et ils ne permettaient donc que de passer des appels téléphoniques audio, couteux donc de courte durée et sur de courte distances (au mieux à l’autre bout du pays, mais la plupart du temps dans la même ville)

Qu’est qu’on démonte aujourd’hui ? Un téléphone à cadran !!

On démonte un telephone à cadran Telic B, constitué principalement d’un combiné, avec son bouton de raccrochage, le bouton pour la seconde ligne, et le cadran téléphonique qui permet de composer les numéros.
La il est défectueux, il doit y avoir des fils coincés à l’intérieur.

Ca se démonte facilement, c’est constitué de 2 vis.

Donc on voit l’électronique du téléphone, qui a l’air assez complexe comme ça. Ici il y a le bornier, avec ses références en lettre. On met la ligne sur L2 et L1. On sort un fil vers la ligne de téléphone. On voit les magnifiques systèmes d’interrupteur pour la seconde ligne ici, ici l’interrupteur pour le raccrochage, ici une bobine, qui permet d’éviter qu’on entende sa propre voix dans le téléphone, le système de sonnerie, en dessous un condensateur pour réguler le courant,et ici on a ce magnifique cadran de composition. Quand on compose un numéro, ça fait l’équivalent de raccrocher et décrocher autant de fois que le numéro, et pour 0 ça le fait 10 fois. On voit derrière comment cela fonctionne.
Enfin, le combiné lui-même est constitué d’un micro, avec à l’intérieur probablement encore de la poudre de carbone, avec ses contacts ici, et le récepteur, le haut parleur avec ses 2 contacts, y’a encore écrit PTT Ericsson dessus. années 1960/70.

Voilà, c’était le Telic B !

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Entre son invention en 1870, l’autocommutation en 1880, et l’an 2000, le téléphone est resté LE moyen de communication personnel de masse majoritaire. Rien n’est vraiment venu le détrôner avant l’arrivée d’Internet. En effet, communiquer à deux avec sa propre voix est quand même ce que l’on fait de plus simple et accessible à tous. Le réseau téléphonique s’est beaucoup amélioré, complexifié, les lignes de cuivre se sont généralisées pour atteindre tous les endroits du territoire mondial.

Et c’est sur cette histoire que l’on va s’arrêter pour cet épisode.
On a donc découvert ensemble aujourd’hui l’histoire des télécommunications de Gutenberg et Chappe au téléphone de Bell.

Dans le prochain épisode, on abordera la radio et la télévision et comment l’humanité à commencer à faire entrer des technologies complexes interdépendantes dans nos maisons.

J’espère que cet épisode vous a plu, n’hésitez pas à vous abonner selon la plateforme vidéos où vous êtes pour être tenu au courant des prochaines sorties

et d’ici là, restont curieux !